Depuis Juin 2014, impulsées par des participants du jardin des ronces*, plusieurs réunions publiques indépendantes ont eu lieu sur l’avenir du quartier, en partant de la base de nos envies pour ce quartier et pour notre ville. Ceci a fait naître un collectif de réflexions et de mobilisation face au projet urbain à venir. Ce texte a un objectif double : présenter une résumé de nos réflexions (synthèse d’une brochure plus approfondie que l’on diffusera prochainement), et répondre à la sollicitation de Nantes Métropole via l’agence SCOPIC, organisatrice de la concertation. Comment d’ailleurs ne pas s’interroger sur l’emploi d’une entreprise privée, qui se présente comme agence de design et conseil en communication, pour mener la concertation publique d’un tel projet. A croire qu’une concertation publique n’est qu’affaire de comm’, une hypocrisie démocratique, où les participants n’ont d’autres choix que de se conformer à un cadre prédéfini.
Nous critiquons en effet l’objectif même de ces ateliers dits de concertation qui n’ont pour objectif que d’être une caution démocratique pour un projet qui comme tout projet des pouvoirs publics actuels est pensé depuis longtemps par certaines personnes, dans l’intérêt de certaines autres, et dans une logique politique déjà établi.
Contrairement à ce que l’on essaie de nous faire croire, l’urbanisation n’est pas quelque chose de naturel, d’inéluctable, qui n’aurait aucun sens politique. Au contraire, notre collectif a ainsi l’objectif de démontrer et de combattre le sens politique de ce projet, en le mettant en lien avec le développement plus global de Nantes.
Le problème de ce quartier atypique nantais, plein de particularismes du fait de son histoire, est qu’il se trouve dans une ville qui se veut devenir une grande métropole internationale. Ce projet urbain, comme celui de la Bottière-Chesnaie qui s’achève et bien d’autres, relève d’un concept qu’il convient d’expliquer et de dénoncer : la métropolisation.
Celle-ci implique de nombreux aspects que nous refusons :
- une concurrence entre les territoires, dont les plus faibles sont voués à devenir au mieux des zones de relégations sociales ou des cités dortoirs, au pire à disparaître ;
- une spécialisation des territoires (ici on dort, ici on travail, ici on consomme, ici on se divertit) alors que plusieurs de ces fonctions doivent être remplies sur un même territoire pour qu’une vie sociale puisse se développer ;
- une gentrification des quartiers populaires, à savoir, sous couvert de mixité sociale, le remplacement de populations précaires par des personnes ayant plus de moyens et correspondant davantage au standard de vie et de consommation d’une métropole (exemple Malakoff) ;
- un contrôle social des populations, nuisant à toute initiative populaire, associé à un dispositif répressif très fort concernant les pratiques qui échappent aux pouvoirs;
- utilisation d’associations pour institutionnaliser toutes pratiques populaires, surtout si elles sont subversives ;
- des grands événement culturels totalement dépolitisés, ou le citoyen est consommateur et passif ;
- de grands projets devant favoriser l’attractivité de la métropole (comme ce genre de projet urbain, mais aussi comme le projet de nouvel aéroport) ;
- la mise en place de la démocratie participative pour empêcher toute conflictualité, pour permettre l’acceptation par les citoyens des projets déjà pensés en amont ;
- une propagande bien ficelée diffusée à grande échelle dans les boîtes aux lettres et les médias ;
- la pratique du greenwashing, où l’on maquille en vert de nombreux projets qui n’ont rien d’écologiques (comme mettre en avant une coulée verte quand on détruit à côté des dizaines d’hectares de terres agricoles) ;
- le développement du secteur tertiaire, des services, très rentables économiquement, au détriment de l’agriculture et de l’industrie.
Ce projet urbain découle d’un choix politique de métropolisation que nous souhaitons combattre. S’opposer à ce projet, c’est s’opposer à tout un modèle de développement nuisible et voué à l’échec.
En luttant contre ce projet d’urbanisation, nous revendiquons aussi que Nantes n’a pas besoin de nouveaux logements. D’une part, l’augmentation de la population nantaise mise en avant par nos élus n’est pas naturelle. Elle provient de ce fantasme d’hyper attractivité et de croissance illimitée. Cette hyper-concentration dans les métropoles a des conséquences écologiques, économiques et sociales désastreuses, non seulement pour les quartiers transformés mais aussi pour les zones rurales qui subissent le développement de ces métropoles.
D’autre part, il existe à Nantes des milliers de logements vides, privés comme publics qui pourraient être soit habités en l’état, soit rénovés, ou réquisitionnés. Est-il donc bien nécessaire de transformer tout un quartier pour en reconstruire plus de 2000 nouveaux ? Sans parler des nombreuses autres ZAC à l’oeuvre actuellement dans la métropole?
Des personnes sans logement à Nantes il y en a beaucoup, mais ces constructions une fois de plus, ne serviront pas les personnes en grande précarité, celles qui sont obligées de squatter le presbytère de la Saint Médard pour avoir un toit, ou tant d’autres qui errent dans les rues de Nantes. Celles-ci ne correspondent pas au profil attendu d’un citoyen d’une métropole, et resteront sur le côté. Ce ne sont pas les 25% de logements sociaux annoncés pour le projet qui changeront l’avenir de ces personnes.
Enfin, la densification de l’habitat devait permettre de lutter contre l’étalement urbain, or force est de constater que et densification et étalement ne cessent de s’accroître. Les villes étouffent, et les terres agricoles des campagnes alentour deviennent des zones péri-urbaines ‘cité dortoirs’ ou zones commerciales.
Nous refusons donc de participer au réaménagement de cette zone par Nantes Métropole, pour toutes les raisons évoquées précédemment. C’est pourquoi,nous n’intégrerons pas cette concertation.
Pour autant, il nous appartient de réfléchir et mettre en œuvre un autre avenir pour cette zone. Tout d’abord, rappelons que cette zone n’est pas vierge. La nature y a repris ses droits par endroit ; dans d’autres, des personnes vivent dans diverses sortes d’habitats ; de nombreux jardins, qu’ils soient cheminots, particuliers, ou collectif existent aussi sur la zone. Ensuite, comme a commencé à le faire un collectif au jardin des ronces, une partie de cette zone doit pouvoir servir à un retour à l’agriculture paysanne, non pas symboliquement en installant une ou deux fermes urbaines au milieu de milliers de logements, mais dans une véritable optique de souveraineté alimentaire d’un territoire. Nous ne souhaitons proposer ou imposer un autre projet mais espérons voir naître sur ce territoire des initiatives populaires, des espaces autogérés, et pourquoi pas y retrouver encore des zones plus sauvages, non aménagées par l’homme. Et puis comme nous le faisons ici, permettre la réflexion politique à l’échelle d’un territoire. Nous ne ferons pas de compromis dans nos idées. Nous ne souhaitons pas gagner quelques miettes vertes en collaborant. L’important est d’abord de défendre et faire vivre certaines idées, de construire collectivement les fondations d’une société meilleure, face à un système dont le projet des Gohards en est le symbole. N’hésitez pas à nous rejoindre dans ce combat.
Collectif de mobilisation contre l’urbanisation des Gohards
quelavenirpourlevieuxdoulon[at]riseup.net
* Jardin des ronces : jardin collectif autogéré sur des terres de la zac des gohards, rue de la papotière.